Parce que le souvenir des hommes n’est pas infaillible et que le traumatisme impose l’oubli pour se reconstruire, les grandes catastrophes s’estompent au fil du temps dans la mémoire collective.
Pourtant, entretenir la mémoire des inondations est essentiel pour nos sociétés. Elle permet de tirer les leçons du passé pour tendre vers un territoire plus résilient.
Les crues sont l’ordinaire de la vie des cours d’eau. Habiter au bord de l’Ouvèze présuppose de savoir vivre avec la rivière et ses colères, d’avoir conscience de ses excès et de ses dangers. Or, chaque inondation majeure laisse place à l’effarement, comme si c’était une première, comme si c’était la dernière. De la parole des inondés à la mémoire oubliée des hommes, seuls ceux qui ne peuvent se rappeler du passé sont condamnés à le revivre.
Depuis le XVIe siècle, une vingtaine de crues majeures a été recensée sur le bassin de l’Ouvèze, parmi lesquelles le “grand désastre” du 21 août 1616 qui avait déjà submergé le Pont Romain de Vaison-la-Romaine.
Au XXe siècle, l’Ouvèze s’est tue pendant 4 décennies (1951-1992). Un silence suffisant pour que deux générations oublient que l’Ouvèze ne saurait être assagie.
Témoins historiques des inondations passées, les repères de crue matérialisent les traces des plus hautes eaux laissées par la rivière. Plus de 600 marques de crues sont aujourd’hui répertoriées sur le bassin versant de l’Ouvèze. Mais ce patrimoine demeure fragile et tend à disparaître par ignorance, déni, malveillance ou de peur qu’il ne déprécie un bien immobilier.
Depuis 2020, le Syndicat Mixte de l’Ouvèze Provençale mène une étude afin d’expertiser et de pérenniser les traces laissées par les crues historiques de l’Ouvèze, de la Seille, de l’Auzon ou du Malguéri. A terme, de nouveaux repères de crues seront apposés sur le bassin afin de conserver la mémoire des inondations passées.