La rivière utilise son énergie pour transporter des sédiments de l’amont vers l’aval. La capacité de transport dépend du débit de la rivière : plus le débit augmente, plus la rivière est en capacité de transporter une masse importante de sédiments (en volume comme en taille). Ce transport naturel entraîne la formation de zones d’érosion et des zones de dépôt sédimentaire, ce qui explique que l’apparence de la rivière change constamment au gré des crues.
L’Ouvèze : de l’eau et des cailloux
L’Ouvèze, une rivière méditerranéenne en tresses
L’Ouvèze est une rivière en tresses. Le cours d’eau prend la forme de multiples chenaux qui s’entrecroisent, dont un chenal principal (en eau le plus souvent) et un ou plusieurs chenaux secondaires, empruntés de manière aléatoire par l’écoulement, en fonction de son débit. Bien que moins développé que sur certains cours d’eau voisins comme l’Eygues, le tressage de l’Ouvèze est particulièrement visible en aval de la confluence avec le Toulourenc. Ce style fluvial offre un fort potentiel pour le développement des écosystèmes aquatiques et humides.
La photo ci-contre montre le tressage de l’Ouvèze en aval du pont Valentin, à Vaison-la-Romaine.
L’hydromorphologie, qu’est-ce que c’est ?
Le suivi hydromorphologique des cours d’eau permet de mettre en œuvre des actions visant à restaurer l’équilibre sédimentaire et les fonctionnalités des milieux aquatiques. L’hydromorphologie consiste en l’étude des formes physiques des cours d’eau et de leur évolution dans l’espace et le temps. La morphologie d’une rivière est le reflet de la dynamique sédimentaire et des activités humaines qui s’exercent à l’échelle d’un bassin versant. Elle est dictée par les caractéristiques physiques (naturelles) et anthropiques (humaines), notamment le type de cours d’eau et son régime hydrologique c’est-à-dire les particularités des écoulements. A l’échelle du bassin-versant, la géomorphologie (formes de relief) et l’occupation du sol conditionnent l’emplacement et l’évolution du tracé que prend le cours d’eau.
L’hydromorphologie reflète la santé de la rivière en indiquant son état d’équilibre sur le plan écologique et sédimentaire. Pour le gestionnaire, il est pertinent de réaliser un bilan régulier des évolutions morphologiques des cours d’eau, pour repérer les tronçons en situation de déséquilibre.
L’Ouvèze, une rivière malade ?
Depuis plusieurs décennies, l’Ouvèze est soumise à de multiples pressions principalement d’origine humaine. L’incision constitue la principale perturbation morphologique : le lit de la rivière s’est considérablement enfoncé par rapport à son niveau du début du XXème siècle. Le cours d’eau s’est érodé jusqu’à plusieurs mètres de profondeur sur certains tronçons. La cause principale est l’extraction de matériaux dans le lit de la rivière (gravières). De nombreuses rivières européennes se sont incisées ces dernières années mais l’Ouvèze a été particulièrement touchée par ce phénomène.
Voici un exemple d’un tronçon incisé sur l’Ouvèze entre Rasteau et Séguret :
Sur ce secteur (photo ci-contre), l’incision du lit est nettement visible. Les sédiments ont été pris en charge par le cours d’eau qui atteint la roche-mère. Il en résulte un creusement du chenal plus en profondeur par rapport à l’état initial. L’incision a engendré un effondrement de l’enrochement en rive gauche. Cette configuration se retrouve sur plusieurs centaines de mètres sur ce lieu et sur d’autres tronçons de l’Ouvèze.
L’incision des cours d’eau entraîne plusieurs conséquences :
- La baisse du niveau des nappes d’accompagnement, c’est-à-dire des nappes phréatiques présentes dans le lit majeur et en connexion avec la rivière. Certains captages d’eau de la nappe se retrouvent hors d’atteinte de celle-ci, et il faut forer de nouveaux puits plus en profondeur pour répondre aux besoins de l’irrigation des parcelles cultivées ;
- L’érosion de berges et l’affouillement des ouvrages : ce phénomène peut éroder les parcelles des propriétaires riverains ou fragiliser des ouvrages (digues, ponts, routes et autres infrastructures), occasionnant des pertes économiques ;
- L’altération des écosystèmes aquatiques, en réduisant la diversité des habitats pour la faune et la flore ;
- L’accélération de la vitesse des écoulements, ce qui propulse d’autant plus vite les volumes d’eau vers l’aval et peut occasionner des inondations sur les secteurs exposés.
Une perturbation localisée à un endroit précis du cours d’eau peut avoir des répercussions sur l’ensemble du système que représente le bassin versant, en amont comme en aval.
Depuis les années 1990, de nombreux chercheurs ont mis en évidence l’importance de lutter contre l’incision des cours d’eau et de retrouver un profil d’équilibre morphologique. Un suivi de l’hydromorphologie est prévu à l’échelle des grands bassins hydrographiques depuis l’an 2000 à travers la Directive Cadre sur l’Eau. Elle se décline via la Loi sur l’eau de 2006 et les Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE Rhône-Méditerranée-Corse pour le cas du SMOP).
Dans cette optique, le SMOP a entrepris une étude hydromorphologique sur l’Ouvèze et ses affluents. Cette étude permettra de mieux appréhender le fonctionnement du cours d’eau et de définir des actions à réaliser de façon prioritaire.
Une maîtrise de l’équilibre sédimentaire est indispensable pour maintenir le cours d’eau en bon état. De ce fait, en plus de réaliser des travaux, le SMOP intervient pour sensibiliser les usagers du cours d’eau aux enjeux que représente l’hydromorphologie sur le bassin versant de l’Ouvèze.